La bière, la sorcière et le croyant…
Drôle d’association de mots pensez-vous ? Ou bien mauvais remake du bon, de la brute et du truand ?
Vous avez tout faux…
Une longue histoire
L’histoire de la bière est longue, mouvementée et pleine de rebondissements.Et malgré les apparences actuelles, la bière a été durant des siècles brassées par des femmes. Revenons environ 15’000 ans en arrière. Ce sont actuellement les traces les plus anciennes laissées par l’Humanité d’une fabrication d’une boisson alcoolisée à base de céréales (le vin n’est même pas à l’état de prototype à cette époque).
Les tâches durant cette période sont bien définies : les hommes partent à la chasse, s’aventurant parfois loin du campement, alors que les femmes récoltent des ressources aux environs du camp.
On pense que les femmes brassaient la bière presque exclusivement à travers la Mésopotamie jusqu’à l’arrivée de l’Empire romain, alors qu’en Égypte les découvertes archéologiques montrent un nombre accru de brasseurs masculins. Les femmes sont restées les principales productrices de bière en Europe du Nord, ces dernières ayant un quasi-monopole sur la production de brassage maison en Scandinavie viking. Au Moyen-Âge, cette tendance diminuera, en cause le féodalisme qui restructurera la société durant plusieurs siècles.
Alors que les hommes ont continué à prendre de plus en plus d’importance dans le domaine du brassage, cela n’a pas empêché les femmes de continuer à jouer un rôle, en particulier dans les couvents. Ainsi, la religieuse allemande St. Hildegarde de Bingen a la particularité d’être la première personne à recommander publiquement l’utilisation du houblon dans le brassage pour ses propriétés «cicatrisantes, amères et préservantes» bien avant tout le monde.
Cependant, brasser allait devenir difficile voire mortel pour de nombreuses femmes, alors que la persécution contre les sorcières présumées augmentait en Europe.
Sorcière?
Vous connaissez certainement la panoplie complète de toute bonne sorcière qui se respecte : le chapeau pointu, le balai, un chaudron et le chat noir.
Il faut savoir qu’au Moyen-Âge, les méthodes commerciales étaient légèrement différentes de maintenant 😉
Ainsi, les brasseuses utilisaient différents moyens pour se faire voir et pour attester de la qualité de leurs produits :
- Un grand chapeau pointu pour se faire voir dans les foires bondées
- Un balai, placé à la porte de la cabane, indiquait lorsqu’un brassin était prêt
- Un chaudron, indispensable pour brasser
- Un chat, toujours utile pour chasser les souris friandes de grain…
La ressemblance entre une sorcière et une brasseuse semble plutôt évidente, les raisons qui ont poussé à « diaboliser » ces femmes est beaucoup plus trouble, et surtout moins glorieuse. Dans les années 1500, des normes de qualité sont édictées et poussent de nombreuses femmes hors du métier par l’augmentation des coûts de matières premières.
Arrive ensuite l’Inquisition, pour qui être une femme avec des connaissances en botanique et chimie est fortement suspecte. Des règles vont même être établies en Angleterre, interdisant aux femmes en âge de procréer de brasser de la bière (on y retrouve cette fameuse croyance qu’une femme qui a ses règles empêche le pain de lever…). Quelques siècles de persécution suffiront à écarter les femmes de cette profession.
Avec la mauvaise qualité de l’eau avant les méthodes d’assainissement modernes, les femmes joueront un rôle vital pour maintenir l’humanité en bonne santé et nourrie. Si la fonction a depuis longtemps été occupée par des hommes en Occident, elle est restée un travail féminin dans certaines régions d’Amérique latine et d’Afrique.
Et maintenant
Alors que les femmes commencent à réintégrer l’industrie brassicole avec moins de craintes d’être brûlées comme sorcières, elles peuvent se mettre à la place d’innombrables brasseurs devant elles. Les amateurs (et amatrices!) de bière peuvent se réjouir de cette nouvelle!